Créatif: reculer pour mieux sauter
En ce moment, je me demande souvent ce que j’ai vraiment envie de faire. J’adore faire le podcast, j’adore faire des photos, j’adore être payé pour faire des photos, j’adore écrire pour ce site ou pour moi-même, j’aime créer des choses variées, et je me suis même mis à apprécier les contraintes de la société familiale que j’ai passé ma vie à esquiver, parce qu’elles m’offrent aussi une certaine liberté sur ce que je choisis de faire. J’adore pouvoir passer du temps avec ma famille, récupérer les enfants à l’école et leur préparer le diner que je passe avec eux. J’adore lire, tout seul dans mon coin, ou redécouvrir des classiques avec les enfants (par classiques, je parle bien sur de Dragon Ball). J’adore partir sur mon vélo et tourner avec ou sans but dans la ville, juste profiter du beau temps et du paysage. Sortir appareil en main et capturer tout ce qui m’inspire. Sortir les mains vides et juste flâner parce que c’est le mood du moment. Me poser dans un parc avec mon tapis de sport et faire mes exercices au soleil. Déjeuner avec un pote que je n’ai pas vu depuis longtemps.
Mais ces derniers temps, je suis un peu perdu: si, avant, je prenais tous les jobs qui venaient en photo, depuis deux ans j’ai instauré un minimum de facturation qui a effectivement mis fin à une partie des jobs récurrents que je faisais depuis des années, ceux dont les tarifs ont été négociés il y a dix ans et n’ont pas augmenté aussi vite que le reste de ce que je fais.
Je m’inquiétais un peu de dire “non” à ces jobs que j’ai plus ou moins toujours fait, et qui m’assuraient un revenu certes faible, mais récurrent et fiable. Ma réaction après les avoir refusés a été, étonnamment, de me sentir très libre. Et de nouvelles opportunités, bien plus intéressantes, ont pris leur place presque immédiatement.
Ça me laisse surtout beaucoup plus de temps libre. Temps que je m’efforce de ne pas perdre sur les réseaux sociaux, où je suis de moins en moins actif, et encore moins sur YouTube qui est en train de s’ “enshitifier” très sensiblement en ce moment, entre invasion de plus en plus prononcée de la publicité et uniformisation des contenus par l’algorithme.
Ma première réaction a été de me dire que j’allais pouvoir me consacrer davantage à mes hobbies et à m’exprimer, mais bizarrement je ne me suis pas directement tourné vers mon Podcast, “Dans l’oeil du Photographe”, pour plusieurs raisons:
La première est que l’année a été chaotique pour les enregistrements. Après mon déménagement cet été qui m’avait déjà bien compliqué la vie, les travaux des voisins du dessus qui durent depuis des mois ont plus d’une fois ruiné mes enregistrements, au point que je n’ai même plus tenté d’en lancer un en journée ces derniers temps. Au moment où j’écris ces lignes, des coups de perceuse ont résonné chez moi toute la matinée. Ils ont tellement percé que leurs murs doivent être en déco gruyère. Ça ne devrait plus durer longtemps, mais en attendant, je suis coincé.
La seconde, c’est que je suis moins inspiré par les autres en ce moment, ou peut-être tout simplement que je traine moins sur les réseaux sociaux où tout se ressemble un peu trop, et donc j’ai plus de mal à trouver des gens à qui j’ai envie de poser des questions. J’ai trouvé un moyen de contourner ce problème en trainant davantage avec des photographes dans la vraie vie, et ça portera ses fruits prochainement.
moi qui n’aime pas être soumis à la dictature des algorithmes,créer un épisode par semaine commence à ressembler à une contrainte
MAIS, moi qui n’aime pas être soumis à la dictature des algorithmes et qui adore créer pour moi, même si je partage parfois largement par la suite, créer un épisode par semaine ou par quinzaine commence à ressembler à une contrainte qui ne m’inspire pas. A la limite, si je vivais du podcast, je pourrais me faire à l’idée, mais on en est loin, et les quelques fois où la question s’est posée avec des gens qui savent faire, les contraintes qui vont avec ne me plaisent pas du tout.
J’ai toujours envie de créer, ne vous y trompez pas, mais je ne veux pas que ce soit un timing qui me dicte ce que je dois créer. J’ai envie d’écrire davantage sur ce blog, et un des objectifs est d’ailleurs que mon site devienne le vrai centre de ma vie créative. J’ai envie de parler davantage tout seul à la caméra, parce que l’exercice est amusant et que je pense avoir des choses à partager. J’ai envie de vlogger, particulièrement depuis certains jobs qui me permettront de la faire sans risque de rater quoi que ce soit. J’ai envie de faire des photos et de les partager, idéalement sous forme imprimée, comme mon zine sorti récemment. J’ai envie de prendre le temps de tenir mon journal, et de faire plein d’autres choses qui n’ont pas vocation à être partagées. J’ai envie de pouvoir glander si j’ai envie, trainer avec les enfants si j'ai envie, sortir flâner si j’ai envie, sauter sur mon vélo si j’ai envie, sans me demander si j’ai un épisode qui doit sortir le lendemain et si je suis en retard.
Je veux créer des choses variées, quand j’ai envie de les créer, à mes propres conditions
Je sais que cette réflexion est étrange dans un monde où tout doit être partagé le plus largement possible, liké, rentabilisé et monétisé, mais j’ai la chance de gagner ma vie grâce à la photo et d’avoir le choix de faire ce qui me plait sur mon temps libre, et c’est ce que je vais faire à l’avenir. Créer des choses variées, quand j’ai envie de les créer, à mes propres conditions. Si j’arrive à les faire de manière régulière, tant mieux. Si je rate une deadline, tant pis, c’est que j’étais occupé à faire autre chose qui m’inspirait. Si je n’ai finalement pas envie de le partager, je ne le partage pas. Si je crée quelque chose de très personnel et que finalement, je décide de le partager, je le fais aussi. Après tout, c’est de l’art, il n’y a pas de règles. La seule partie de ma vie qui reste soumise à contrainte, c’est évidemment les jobs payés, où je resterai rigoureux à l’extrême.
Au final, je simplifie ma vie: ces derniers temps, je mangeais mal, je faisais peu d’exercice, parce que je me mettais des deadlines de tous les cotés sur des choses qui n’avaient pas à en avoir. Maintenant, j’ai des priorités différentes en fonction des périodes, et je suis impatient d’avoir un épisode de podcast qui soit à nouveau ma priorité absolue, parce que ces derniers temps, dans les conditions dans lesquelles je les ai produits, ça n’a pas toujours été un bon moment. Je n’arrête rien, je ne m’interdis rien, mais je m’autorise un reset qui va me permettre de me repenser pour être, publiquement, quelqu’un de plus varié que le podcaster de la photo.